Gerrit pensait que cette mission était de la folie furieuse, mais pourquoi avait il accepté de faire travailler son équipe pour si peu.
1 pièce d'argent par jour…
Pour un paysan qui gagnait environ 2 pièces d’or par an (soit 20 pièces d’argent), cela représentait une véritable petite fortune.
Mais dans le dur métier de mercenaire cela représentait un solde bien en deçà des prix courants.
En plus vu la mission....

Accompagner trois prêtresses vierges pour une cérémonie, tout en traversant les plus dangereuses régions du pays pour le temple de la déesse Mirnsha...
Sûrement encore une de ces déesses dont les prêtresses, dansent nues pour invoquer son pouvoir de procréation ou d’abondance…
Mais il fallait bien vivre.
Après la troisième guerre Orcish il lui avait fallu batailler pour obtenir des contrats intéressants.
Il fallait bien dire que cette guerre avait été pour lui une catastrophe sans précédent.

A l'époque il était gradé dans l'armée de coalition des humanoïdes qui regroupait des humains, des elfes et des nains.
Et il avait sous ses ordres 500 braves soldats.
Mais ce jour là, il n'aurait jamais du les amener à la bataille...

L'ordre avait été donné d'aller par la passe des gryphons prendre une partie des troupes orques à rebours.
Cet ordre était aussi crétin que lorsque les généraux avaient instaurés un quota de nourriture en fonction de l'avancée des troupes...
Toujours est-il qu'ils passèrent la passe sans encombre, comme prévu, aucune embuscade ne les avait arrêtés.
Mais lorsqu'ils arrivèrent à proximité de l'armée orque, celle ci qui ne devait contenir tout au plus que 2 à 3 fois leur propre effectif était d'au moins 20x leur nombre....
Ce jour là il ne l'oublierait jamais...
Il n'oublierait pas les visages de tous ces gosses qui n'y croyant pas rentrèrent tout de même dans la bataille les larmes plein les yeux, il n'oublierait pas les cris de souffrance et d'agonie de ces compagnons.
Ses troupes avaient été les plus valeureuses et pour chaque humanoïde qui tombait une dizaine de peaux vertes trépassaient.
Mais ce n'était pas suffisant...
C'est ce jour là qu'il découvrit sa véritable nature.
Ce jour là qu'il eu son premier accès de rage, sa premier crise de berserk.
Malheureusement le reste de la bataille lui était inconnu, la seule chose qu'il savait c'est qu'à son réveil il saignait abondamment, mais que plus un orque, ni même un humanoïde n'était debout à ses côtés.
Il ne saurait jamais si c'était lui qui avait décimé les troupes orques ou si une quelconque intervention magique ou divine avait eu lieu.

De ce jour il gardait en lui la douleur de la perte de ses hommes, ainsi qu'une magnifique cicatrice qui traversait de part en part son visage sur la partie droite, depuis le front jusqu'au menton.
Il n'avait pas perdu son oeil heureusement, mais ce qu'il n'aimait pas c'est que la cicatrice avait figée son visage en un rictus permanent qui lui donnait un air sadique bien peu en adéquation avec son véritable caractère.

Toujours est il que depuis il avait quitté l'armée pour qui il avait tant donné, et était devenu mercenaire.
Mais avec son physique peu avenant il lui avait fallu du temps pour obtenir de bons contrats et prouver ses capacités.
Mais aujourd'hui il semblait revenir quelques années en arrière.
Il ne savait pas qui était derrière cette publicité, mais ses employeurs avaient eu vent de ses accès de rages… Ainsi que de tous les travers des membres de sa compagnie.
« Les ergots sanglants »
Quand il pensait au pourquoi de ce nom si « guerrier » il ne pouvait retenir un sourire.

A l’époque ils n’étaient que 3, lui, Illuël l’elfe ranger et Dunrad le nain.
Comme à leur habitude, les deux derniers se chamaillaient.
Et Gerrit essayait de trouver dans la ville de TilsDane un magicien pour les accompagner dans une mission dangereuse.
Il avait finit par trouver cet homme.
Kilsham, un magicien humain très mystérieux mais qui s’était révélé plus d’une fois un allié de choix.
Lors de cette première rencontre la discussion fut houleuse se rappela t’il :
Dunrad- Et toi la chochotte dans la robe de chambre bleue, tu n’aurais pas du sang de lutin anémié dans tes veines pour utiliser la magie ?
Illuël- Hé espèce de rase caillasse tu sais ce qu’il te dit le lutin ?
Kilsham- Excusez moi petit homme, mais je parle à votre chef.
Dunrad- Ce n’est pas mon chef, c’est juste que dans notre compagnie c’est celui qui parle le mieux et puis c’est tout !
Kilsham- Et quel est donc le nom de votre compagnie ?
Dunrad- Ca ne te regarde pas ma poule. Gerrit, viens laissons là ce demi homme pour aller chercher un vrai magicien !

Kilsham prononça quelques syllabes sibyllines tout en traçant du bout des doigts quelques runes dans les airs.
Dunrad fut entouré de lumière et commença à voir des plumes lui pousser sur le corps.
Sa taille qui n’était déjà pas bien grande réduisait de plus en plus, et un bec lui poussa à la place de son nez.
Lorsque la transformation fut terminée, Kilsham le regarda et lui dit :
-Pourriez vous me répéter votre dernière phrase je vous prie ?
-cot coot cot coooot

Gerrit partit dans un fou rire.
Mais ne s’y trompa pas, si cet homme pouvait user de magie aussi facilement envers un nain, race réfractaire à celle-ci, il devait être vraiment redoutable.
Il s’adressa à lui :

-A l’heure d’aujourd’hui notre compagnie ne possède pas de nom.

La poule s’énerva et tenta avec ses ergots de blesser le magicien.
Celui-ci se protégea de quelques gestes et sa peau devint dure comme de la pierre.
La poule s’acharna sur lui jusqu’à ce que ses pattes soient trop meurtris.

Kilsham qui n’était pas méchant redonna à Dunrad son apparence originale.
Le nain était assis sur son postérieur et enleva ses bottes pour essayer de soulager ses pieds couverts de sang.
Kilsham lança un sort de soins pour guérir ses blessures, puis il se tourna vers Gerrit et comme pour sceller son intégration dans le groupe il proposa le nom « les ergots sanglants ».
Comme à son habitude Dunrad qui n’aimait pas passer pour le dindon de la farce refusa jusqu’à ce que la soirée soit suffisamment avancée et arrosée pour qu’il accepte enfin, tout en riant de lui-même.

Gerrit redevint sombre.
Il ne fallait pas rester dans le passé, quelqu’un cherchait à lui faire du mal mais il ne savait pas qui ni si cet ou ces ennemis étaient puissants ou non.
Il posa sa tasse en étain et repris une petite branche pour la mettre dans le feu.
Si tout allait bien, demain ils escorteraient enfin les 3 prêtresses et cette mission pourrait enfin commencer.

Il se tourna vers l’elfe et le nain qui avaient encore des mots à propos de l’alcool que le nain prenait à chaque fois en mission avec lui.
Puis vers le magicien qui étudiait ses recueils de magie afin de préparer ses sorts pour le lendemain.
Il prit la pierre à aiguiser et sorti son épée bâtarde qu’il commença à travailler consciencieusement.